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Histoire et prospective des Centraliens de Lille

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Club Histoire et prospective

Autour des Centraliens

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22/11/2014

Notre École a été fondée à Lille en 1854, au début d'une période de plus d'un siècle caractérisée par un essor prodigieux des technologies, du commerce mondial et du rôle des ingénieurs, marquée par deux phases d'accélération 1872-1914 et 1947-1973, entrecoupée de périodes heurtées de guerres, d'effondrement de la croissance et des échanges commerciaux internationaux. Les vingts dernières années ont plus particulièrement permis aux ingénieurs de concevoir et déployer mondialement les technologies numériques qui ont révolutionné les comportements individuels et communautaires ; la prospective techno-scientifique anticipe que nous sommes au seuil d'une nouvelle phase d'accélération des événements qui dépasse l'imagination dans ses conséquences sur nos modes de vie.
 
== Un siècle et demi d'histoire des ingénieurs ==
 
L’origine de l'École centrale de Lille remonte à 1854 avec la fondation, sous le patronage de Frédéric Kuhlmann et de Louis Pasteur, de l'École des arts industriels et des mines, 2 rue du Lombard dans le centre de Lille à proximité de la gare. Elle devint École impériale des arts industriels et des mines en 1862. L'essor de l'École et de la formation des ingénieurs subit une impulsion déterminante par la création de l’Institut industriel du Nord (IDN) dans les mêmes locaux en 1872. C'est en 1875 que furent inaugurés des nouveaux bâtiments construits spécifiquement pour répondre aux besoins d'expansion de l'École au 17 rue Jeanne d'Arc à Lille dans le voisinage de la faculté des sciences et qui furent utilisés jusqu'en 1968. L'École et ses laboratoires de recherches s'installent en 1968 dans des locaux modernes avenue Paul-Langevin dans le campus de l'université des sciences et technologies de Lille. L'École rejoint le Concours Centrale-Supélec en 1972. Elle participe à la formation de l'intergroupe des Écoles centrales en 1991 et prend alors le nom d'École centrale de Lille
 
Sous sa dénomination École des arts industriels et des mines avec les parrainages de Frédéric Kuhlmann et Louis Pasteur, promoteurs des sciences appliquées à l'industrie dès 1854, l'École accompagne la première révolution industrielle fondée sur la thermodynamique, l'énergie issue des mines de charbon, la machine à vapeur d'origine anglaise, la métallurgie, la mécanisation de l'industrie textile, le développement des procédés chimiques et des colorants, l'essor des transports et les chemins de fer, les structures métalliques et béton de ciment, ainsi que les transformations sociales associées à l'exode rural consécutif à l'augmentation des rendements provoquée par la mécanisation et la chimie agricole. L'effectif de l'Ecole croit de 12 élèves en 1857 à 50 élèves en 1861 et 90 élèves-ingénieurs en 1870. La crise de 1870 est un tournant pour l'École, le sursaut économique et la notoriété des ingénieurs en découlent.
 
Au travers de son Institut industriel du Nord (IDN) à partir de 1872, l'École assure le développement de la grande industrie mécanique actionnée par des moteurs électriques et thermiques, de la pétrochimie et sidérurgie, de l'automobile, des systèmes et réseaux électriques, de l'électromécanique et de l'automatisation de l'industrie manufacturière, traduisant l'augmentation généralisée de la productivité des différents secteurs de l'industrie et des services. 124 élèves sont diplômés ingénieurs IDN en 1914, suivis immédiatement par un coup d'arrêt à la prospérité et à l'expansion des promotions d'ingénieurs. La croissance des échanges économiques et l'augmentation de la taille des promotions d'ingénieurs reprennent durant les Trente Glorieuses avec l'urbanisation accélérée, l'énergie bon marché permettant l'essor des infrastructures, des services et la consommation de masse entre 1950 et 1973. Des mutations industrielles commencent à se dessiner vers 1967 dans le nord de la France et précèdent les premières ruptures monétaires (1971) et énergétiques (1973,1979).
 
L'évolution de la société industrielle vers une société de l'information se traduit par l'ère des innovations en informatique et automatique (1957), micro-électronique (1971), télécommunications (1975-1996), micro-systèmes et nanomatériaux (1992). La démocratisation de l'enseignement supérieur caractérisant la fin du XXème siècle conduit à dépasser huit cents élèves-ingénieurs présents dans les locaux agrandis de l'Ecole. S'ensuit la transition vers le XXIème siècle où l'École centrale de Lille s'adapte aux mutations des modes de croissance, de mobilité et de services, de conversion d'énergie et de production durables.
 
== Deux décennies du groupe des Ecoles centrales et rétrospective sur deux siècles ==
 
Cette année 2011 est l'anniversaire des vingts ans du Groupe Centrale. Diverses évolutions technologiques sont notables durant ces deux dernières décennies, accroissant le champ des possibles pour les ingénieurs.
 
Dans sa présentation de "2100 : récit du prochain siècle" (Payot, 1990 - ISBN 2-228-88291-7,  www.2100.org), Thierry Gaudin nous avait prévenu : "Le changement qui s'annonce, en effet, dépasse l'imagination. Tous les métiers, toutes les formes d'organisation sont touchés" et annonce des évolutions du système technique conduisant à de nouvelles formes d'organisation sociale, dont les prémisses contemporains sont le développement accéléré des moyens de communications mobiles et le partage mondialisé de l'information immédiate en réseaux.
 
Illustrons l'évolution par quelques choix, forcément arbitraires. Notons d'abord le développement du numérique et de l'informatique ubiquitaire, par la diffusion de masse des ordinateurs, des téléphones mobiles et des boitiers internet multimedia, associés à une multiplication par cent mille des débits de transferts d'information accessibles au grand public. Le domaine des matériaux innovants est aussi au premier plan, avec l'utilisation des composites, y compris en aéronautique civile, et des nanotubes de carbones, y compris pour des produits à large diffusion. Les ouvrages d'arts et immeubles atteignent des hauteurs inégalées et ont des conformations nouvelles. Les changements environnementaux à grande échelle sont affectés par le développement des sociétés humaines, et, en retour, testent la résilience de l'aménagement urbain que l'on souhaite durable. Les transports urbains guidés ont connu un renouveau, tandis que l'automobile cherche toujours son modèle du futur, les moteurs hybrides ou électriques font l'objet d'études de déployment et les bio-carburants deviennent des compléments des produits pétroliers. Les réseaux de distribution d'électricité sont soumis à de nouveaux enjeux tant réglementaires que technologiques, avec le développement des productions d'énergies intermittentes renouvelables. La réduction des pollutions devient un objectif premier, la chimie pour le développement durable prend son essor avec l'application des contraintes européennes. L'ingénierie hospitalière introduit les hautes technologies d'imagerie, de prothèses, de télésanté, avec des capteurs de diagnostics plus performants et un suivi du dossier médical personnel dématérialisé.
 
Une rétrospective sur près de deux siècles permet peut-être de multiplier les exemples de changements technologiques auxquels ont été confrontés nos ainés : qu'en pensaient les anciens élèves de l'Ecole, pionniers dans des domaines nouveaux, tels que Alfred Goblet (1864), architecte de la plus haute cheminée de France (105 m) à l'usine Holden de Croix (Nord) en 1887, premier président de l'association des anciens élèves entre 1877 et 1883 ; Alfred Meunier (1871), directeur du réseau téléphonique de la Société générale des téléphones (ancêtre de CIT-Alcatel) , qui détient la première concession du téléphone parisien et des grandes villes de France, jusqu'à la nationalisation du réseau en 1889 ; Jacques Vandier (1895), administrateur délégué de la Société Anonyme Française du Ferodo (renommée Valeo ultérieurement) et président de l'association des anciens élèves entre 1907 et 1914 ;  Jean Faure (1891), président de l'association des anciens élèves entre 1914 et 1920, entrepreneur international, constructeur-exploitant de chemins de fer en Turquie, Russie et France en coopération avec Léon Francq (1867), inventeur d'une machine à vapeur sans foyer, entrepreneur et créateur des tramways de Paris, de la ligne de chemin de fer électrique Paris-Saint Germain, du réseau de tramway Electrique Lille-Roubaix-Tourcoing ; Henri Godfroid (1905), co-fondateur et directeur des laboratoires automobiles Citroën, quai de Javel à Paris et ancien président de l'association des anciens élèves entre 1951 et 1960 ?
 
Laissons donc la parole à Henri Godfroid (1905). Le groupe de Paris de l'Association des ingénieurs de l'Institut industriel du Nord s'est réuni le 31 mars 1928 en un banquet de 300 convives, auquel a été convié M. Paul Doumer, président du Sénat et futur président de la république française. Le bulletin de la société d'encouragement pour l'industrie nationale de mai 1928 en rend compte : "M. Godfroid, président du groupe de Paris, a fait ressortir l'effort ininterrompu des ingénieurs de l'Institut industriel du Nord pour mettre leur science en harmonie avec les progrès de la technique moderne. (...) Ce qui est aujourd'hui théorie, c'est à dire du domaine du réalisable, sans être réalisé, devient demain la pratique."
 
Henri Godfroid répond indirectement au discours de Louis Pasteur, doyen de la faculté des sciences de Lille, le 7 décembre 1854, deux mois après la fondation de l'École des arts industriels et des mines de Lille (École centrale de Lille) : "Une ère de prospérité nouvelle va s'ouvrir (...) dans un pays où l'industrie la plus florissante vient, chaque jour, demander à la science une découverte à appliquer. (...) Je voudrais que (...) les jeunes gens destinés à la carrière industrielle fussent mis en mesure (...) de venir profiter des immenses ressources de la Faculté des sciences que la munificence du Conseil municipal de Lille a installée dans les conditions les plus propices à assurer sa prospérité. (...) Le certificat que nous délivrerons correspondra, quoique avec moins d'autorité sans doute, au diplôme des élèves de l'École centrale. (...) Nous n'oublierons point que la théorie est mère de la pratique, que sans elle la pratique n'est que la routine donnée par l'habitude, et que la théorie seule fait surgir et développe l'esprit d'invention. (...) Vous connaissez ce mot charmant de Franklin : il assistait à la première démonstration d'une découverte purement scientifique et l'on demandait autour de lui : mais à quoi celà sert-il ? Franklin répond : Ä quoi sert l'enfant qui vient de naitre ? (...) La découverte théorique n'a pour elle que le mérite de l'existence. Elle éveille l'espoir et c'est tout. Mais laissez-la cultiver, laisser-la grandir et vous verrez ce qu'elle deviendra (...) par hasard, diriez-vous peut être, mais souvenez-vous que dans les champs de l'observation le hasard ne favorise que les esprits préparés. »
 
== Histoire et prospective des Centraliens de Lille ==
 
S'il faut alors préparer nos esprits à l'innovation, comme le préconise Louis Pasteur, l'histoire et la prospective ont alors leur place dans notre univers d'ingénieurs, d'entrepreneurs, d'investisseurs et de manageurs. Hugues de Jouvenel, rédacteur en chef de la revue Futurible présente la prospective comme "l'analyse de ce qui peut advenir (les futurs possibles) et ce qui peut être fait (les politiques et les stratégies) vis-à-vis des grands défis futurs".
 
Pourquoi la prospective techno-scientifique et la rétro-prospective intéressent des ingénieurs Centraliens de Lille ? Déceler, identifier, évaluer les essors technologiques et les mutations, les tendances des comportements et des investissements collectifs, utiliser les analyses des révolutions passées et les initiatives de nos ainés pour comprendre l'expansion fulgurente de la techno-science, maîtriser l'explosion du champ des possibles et la valeur ajoutée sur-multipliée des agencements harmonieux, appréhender les évolutions technologiques futures foisonnantes et des risques de déstabilisation de situations jamais acquises ... que vous soyez jeune ingénieur en quête d'entreprise en expansion pérenne, analyste de marché, responsable senior du développement commercial ou directeur des fusions-acquisitions d'un grand groupe, l'interprétation des tendances de long terme est un atout stratégique personnel et de positionnement collectif fructueux sur les thèmes porteurs d'avenir.... la prospective technologique est une matière à coopérations entre Centraliens.
 
L'analyse est d'autant plus nécessaire que la maturité des secteurs d'activité est très hétérogène et le guidage des efforts d'investissement y est corrélé. Si la sidérurgie a un cycle de vie d'au moins 50 ans avec une R&D quasi-inexistante au regard de son chiffre d'affaire, l'automobile et l'aéronautique ont des cycles de 25 à 30 ans avec un taux d'investissement de 5%, tandis que le multimedia, les bio-nanotechnologies et les semi-conducteurs se renouvellent en moins de 5 ans avec plus de 20% d'effort R&D par rapport au chiffre d'affaire. Choisir d'investir ou de sous-traiter doit être mesuré selon la maturité et les perspectives technologiques, avec des analyses basées sur l'expérience passée du marché visé.
 
Le 'Club Histoire et prospective des Centraliens de Lille' a établi un ensemble d'articles originaux sur les investissements d'avenir et de mémoires historiques, mis à la disposition des ingénieurs sur le site des Centraliens de Lille (Voir sur Centrale Wiki : www.centraliens-lille.org/wiki), rubrique 'histoire et prospective'. Quelques éléments historiques ont été répliqués sur Wikipedia, contribuant notamment aux articles 'Ecole centrale de Lille', 'Institut industriel du Nord', 'Ecole des arts industriels et des mines'.
 
== Agenda histoire et prospective ==
 
L'agenda des événements du  'Club Histoire et prospective des Centraliens de Lille' est actualisé sur le site internet et dans la rubrique 'événement' de la revue L'ingénieur.
 
* Une promenade lilloise commentée associée à l'histoire et au patrimoine de l'Ecole est planifiée le samedi 17 septembre 2011 (rendez-vous à 10 h à l'angle entre le boulevard Carnot et la rue des Arts jardin du couvent des Récollets pour une étape en 1796, suivi d'une étape 1823 et 1853 à la vieille Bourse Grand Place de Lille ; des étapes 1854 et 1872 rue du Lombard près de la gare ; déplacement en métro pour une étape 1875 rue Jeanne d'Arc et une étape 1968 Cité scientifique).
* L'aventure des transports ferroviaires et guidés, passé et avenir des locomotives, tramways, métro et transports urbains, le dimanche 2 octobre 2011, à la mémoire de Léon Francq (1864) et Jean Faure (1891), pionniers des tramways (rendez-vous à 14h30 et visite du musée des tramways à vapeur et des chemins de fer secondaires français - gare SNCF de Butry Valmondois)
* Une journée à Bruxelles en novembre en la mémoire de Louis Dollo (1877), paléontologue de renom via les ignanodons de Bernissard, avec visite du musée royal d'histoire naturelle de Bruxelles fondé par Dollo
* Une journée de décembre consacrée à Alfred Meunier (1871) et la Société générale des téléphones (ancètre de CIT Alcatel) : perspective séculaire sur les réseaux informatiques et télécoms et visite du Musée des Télécommunications et de la Radio de Marcq en Baroeuil
 
= Pour en savoir plus =

* Contacts : Roland Marcoin (1972) et Frédéric Rousseau (1992)
* Courriel frederic.rousseau@centraliens-lille.org
* http://www.centraliens-lille.org/wiki/Club_Histoire_et_Prospective_des_Centraliens_de_Lille
* http://fr.wikipedia.org/wiki/École_centrale_de_Lille

**** Publié dans la revue L'ingénieur en 2011 ****
 
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